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ASHAPUR, (lieu d’espoir en hindi)
Pour beaucoup, plutôt que de se laisser aller à l’assistance passive, par l’entraide et la participation ils retrouvent dans le groupe une utilité, une place, un rôle.




Présentation
A quelques kilomètres de Bénarès en direction de Sarnath (lieu de pèlerinage bouddhiste), mais à mille lieues de son agitation, son bruit et sa pollution, se trouve le Kashi Kushat Sewa Sangh ( Association de service des lépreux de Bénarès).
Ce lieu est un véritable havre de paix, d’entraide et de tolérance, géré communautairement par ses 27 habitants, des hommes et des femmes à qui, justement, l’entraide et la tolérance ont le plus durement fait défaut.
Ces hommes en effet, d’abord touchés dans leur chair par la lèpre, ont ensuite été touchés dans leur cœur par le rejet, l’exclusion totale de leur village et même souvent de leur famille.


Ainsi, en démarrant ce projet en 1961, le Docteur Bholanath voulait faire de ce lieu un ashram, au sens de Gandhi, pour des lépreux. C’est-à-dire, non pas comme le désigne originellement le terme sanskrit asrama, une communauté monastique réunissant des disciples autour d’un gourou, mais un regroupement communautaire animé par les idéaux de réciprocité, de solidarité, d’harmonie, de dévouement et de service du groupe, et tendant vers l’autosuffisance économique. Ainsi, puisqu’ils avaient été exclus de la société, ce lieu serait comme une “ mini-société ”, organisée par eux et pour eux, où chacun retrouverait ainsi une place et un rôle, en restant néanmoins accueillant et ouvert sur l’extérieur.
Sur ce magnifique terrain planté d’arbres, quelques bâtiments ont donc à l’époque été construits :
- un hôpital-dispensaire avec quelques salles d’opérations et de consultation,
- un grand dortoir pour les pensionnaires,
- quelques bâtisses pour les cuisines et entrepôts pour les grains,
- ainsi que quelques petits appartements individuels pouvant accueillir hôtes ou familles.
Néanmoins, et ceci dans l’esprit d’autonomie maximum de l’ashram, mis à part ces quelques infrastructures, le reste des terres a été mis en culture, les lépreux y faisant eux-mêmes pousser quelques légumes et céréales. De même, l’ashram possède plusieurs métiers à tisser afin que les lépreux puissent eux-mêmes confectionner les bandages (et éventuellement quelques pièces de tissus dont ils ont besoin).
A la cuisine, comme pour toutes les activités, les pensionnaires se relaient et cuisinent pour l’ensemble du groupe.
Cet ashram, avant toute chose, permet aux lépreux, souvent rejetés de leur village d’origine, d’avoir un lieu à eux dans lequel ils peuvent vivre et se mouvoir de plein droit, où ils ne craignent plus le rejet de l’autre mais peuvent, au contraire, s’ouvrir et accueillir les visiteurs éventuels. Bien plus qu’un toit, ce lieu a redonné une identité et un sens à la vie de chacun, en tant que partie essentielle d’un groupe plus vaste. Pour beaucoup, plutôt que de se laisser aller à l’assistance passive, par l’entraide et la participation ils retrouvent dans le groupe une utilité, une place, un rôle.


Présentation personnelle
Mais si Ashapur forme, en effet, une communauté soudée d’entraide et de solidarité, elle n’en est pas moins très diverse dans sa composition. Et, si les résidants forment un tout apparemment uniforme, c’est surtout la maladie qui les a réunis. Il suffit de s’intéresser personnellement aux pensionnaires pour se rendre compte de la variété des différents parcours et expériences de vie de chacun.
Jogul Kishore, par exemple, qui lorsque j’arrive me prend dans ses bras avec tellement d’amour, de force, était, avant d’être touché par la lèpre et d’être exclu de la société, avocat à la Cour, puis photographe pendant deux ans ! Au cours des voyages-pélerinages que quelques amis et moi-même avons fait avec la trentaine de lépreux, j’ai eu plusieurs discussions avec lui. Profondément spirituel, il ne cesse de répéter que nous, êtres humains, ne sommes que des acteurs jouant un rôle dont nous ne comprenons pas toujours et immédiatement le sens. Seul Dieu en connaît les raisons.
“ Et Dieu est partout, plein d’Amour, et il faut lui faire confiance!! ! ”
“ Dieu est en chacun et c'est pourquoi tous les hommes sont égaux ” répète-t-il également, me refaisant mon petit pansement au pied, lui qui a été amputé d'une jambe. Après moi, tout en continuant son discours, il désinfecte et change le bandage d'un de ses colocataires.
Patak est le pensionnaire le plus ancien, et il est aussi le chef en quelque sorte de la communauté, en ce sens qu’il a autorité pour prendre certaines décisions ou trancher en cas de litige. Cela fait 27 ans qu'il a quitté son village où il était cultivateur, et qu'il réside à Ashapur. Il fait entièrement partie de cet endroit, de même que les murs et les arbres. Il en a connu les débuts, l'apogée, puis en a vécu le déclin après la mutation du prêtre catholique qui s’en était particulièrement bien occupé pendant de nombreuses années. En effet, depuis 1991, le Centre, confié à un comité de médecins indiens peu intéressés par son fonctionnement et peu scrupuleux, a en réalité cessé de fonctionner.
Baban Dube a, quant à lui, été instituteur pendant une dizaine d’année à l’école de son village. De son métier il a conservé son dévouement et sa patience, puisque c’est souvent lui qui soigne et change les bandages de ses camarades.
Joku, qui était conducteur de vélo-rickshaw, a passé plusieurs années à mendier à Bénarès, près du Gange, sur la “ route des pèlerins ” comme beaucoup d’autres lépreux, avant d’être amené à Ashapur. Ce jour-là, il avait un gros bandage sur son œil gauche puisqu’il avait bénéficié, quelques jours auparavant, d’une série d’opérations de la cataracte dans le cadre d’une campagne d’opérations gratuites.
Kashinath, 25 ans, n’est pas lépreux (il est le seul), mais il est né à Ashapur et y a toujours vécu, avec sa mère et son frère. Sa mère, une fois veuve, avait contracté la lèpre et était donc venue à Ashapur se faire soigner, accompagnée de ses deux enfants. Elle a guéri mais n’est jamais repartie. Son fils, aujourd’hui âgé de 25 ans, aide donc autant qu’il le peut aux tâches quotidiennes.


Aujourd’hui
Aujourd'hui, dans la mesure où un comité de médecins indiens est censé gérer l'institution, la marge de manœuvre pour prévoir des projets à long terme est relativement limitée. Néanmoins, depuis le 15 mai, un nouveau projet de DISCC concernant les lépreux a vu le jour (clinique de rue pour des lépreux mendiant dans le centre de la ville, aide ponctuelle à plusieurs communautés de lépreux...). Dans le cadre de ce projet, le Docteur Tulsi s'est engagé à ce que la personne travaillant à la clinique de rue aille régulièrement rendre visite aux pensionnaires d'Ashapur, et prenne en charge les besoins matériels urgents comme remplir les cylindres de gaz, acheter des fruits et légumes, fournir quelques médicaments…
Il s'agit donc de palier au plus urgent, pour assurer un niveau de vie décent aux lépreux résidant dans le Centre, sans pour autant engager l'association, pour l'instant, dans des projets à long terme sans l'accord du comité de médecins. Lorsque l'association DISCC sera plus familiarisée avec cette institution et ses pensionnaires, d'autres possibilités plus encourageantes verront peut-être le jour.

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