Sunita a 10 ans. Elle avait toujours habité dans son petit village, au Bihar, avec ses parents -petits paysans modestes -, ses trois frères et sa sœur. Un jour, elle découvre (à temps) qu’elle est atteinte de tuberculose du pied, et décide de venir à Bénarès se faire soigner. Elle vient donc habiter chez ses grands-parents maternels et leurs deux fils, installés dans la ville depuis une quinzaine d’années. Ceux-ci s’occupent de la propriété secondaire d’une famille, également bihari, pendant leur absence. Tous les cinq habitent une petite maison de deux pièces (la cuisine et la chambre), de l’autre côté du jardin de la résidence principale.
Le grand-père, outre le maintien de la propriété, est conducteur de vélo-rickshaw. La grand-mère, elle, part tous les matins vers 6h travailler quelques heures dans une famille (ménage, vaisselle), et elle repart travailler de 16h à 17h, et de 20h à 21h. Aussi, chez eux, c’est Sunita qui fait le travail de la maison. Elle commence par balayer à l’aide de son petit balai en fils de noix de coco, devant et dans la maison. Puis elle lave la vaisselle de la veille et, lorsqu’elle a fini, commence à éplucher les légumes que la grand-mère cuisinera en rentrant. Ses deux oncles ont 15 et 20 ans (sa mère elle-même, mariée à 13 ans, n’a aujourd’hui que 28 ans). Le plus grand est en classe 10 (équivalent à de notre Seconde) et veut continuer jusqu’à l’université. Il veut être conducteur de voiture. Parfois, il tente d’apprendre à Sunita, qui n’a jamais été à l’école puisque son village n’en avait pas, quelques lettres de l’alphabet. Mais celle-ci se montre peu intéressée : elle préfère de loin aller jouer avec ses deux voisines !
Maintenant, cela fait 7 mois que Sunita est à Bénarès. Si elle a les larmes aux yeux en parlant de ses parents, et qu’ils lui manquent, elle dit néanmoins aimer la ville, où elle a découvert les routes goudronnées, les voitures, le Gange, le cinéma…Au mois de mai, elle ira sûrement voir ses parents pour une dizaine de jours.
Cela fait maintenant six mois que Sunita est régulièrement suivie par le Docteur Tulsi qui lui fournit le traitement adéquat, de même qu’un soutien psychologique. Et si elle n’en est qu’à la moitié du traitement, on peut néanmoins aujourd’hui affirmer, à la condition qu’elle continue de prendre régulièrement les médicaments jusqu’au bout, que Sunita est sauvée.