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En France, on m’avait parlé du Dr Tulsi comme d’une sorte d’abbé Pierre ou de Mère Teresa. "Un saint homme, un type extraordinaire !", s’exclamaient tous ceux qui l’avaient rencontré. Mais à Bénarès, la ville la plus sacrée de l’Inde, quand je l’ai vu surgir pour la première fois, je suis tombé du ciel. Je n’imaginais vraiment pas Tulsi comme ça ! Dans les contes pour enfants, avec sa carrure de colosse, sa barbe noire et ses épais sourcils froncés, il aurait sûrement été l’ogre ! Mais on est vite conquis par le charme de ses yeux rieurs, sa calme détermination et la force de sa passion. Car Tulsi est plus qu’un médecin généreux ou un formidable bienfaiteur : pour des centaines d’enfants et leurs familles, il est le Père, solide, respecté, aimé, un exemple auquel chacun s’efforce de ressembler.


L’exemple de Shamsher est à cet égard significatif. Le courage, la volonté de s’en sortir, et l’estime de soi, Shamsher les avait déjà. En Tulsi il a trouvé une motivation, l’assurance d’un soutien tant psychologique que financier, et un modèle... Shamsher est né il y a 15 ans, dans un petit village d’Uttar Pradesh à une vingtaine de kilomètres de Bénarès, avec une malformation congénitale des bras, ceux-ci ne mesurant que la moitié de leur taille normale.


Mais il a toujours lutté pour être respecté et pour prouver (à ses parents, petits paysans shudras, à ses cinq frères et sœurs, comme à tous les autres) que sa difformité ne l’empêche pas d’être un enfant normal. S’il lui arrive de se battre (en donnant des coups de pieds) à l’école ou dans son village, c’est en réponse aux insultes des autres enfants, explique-t-il au Docteur Tulsi. Et en effet, la plupart du temps, il emploie toute sa force et son énergie à ses activités quotidiennes et à ses études.


Tous les matins, Shamsher va, comme la majeure partie des habitants de ce petit village, à l’étang pour faire sa toilette. Il connaît parfaitement ses possibilités comme ses limites et, avec une agilité incroyable, il se déshabille, saute dans l’eau, nage pour regagner la rive, se savonne, se brosse les dents, se sèche, et se rhabille. Parfois, sa mère est là pour l’aider à enfiler son uniforme d’école blanc et bleu ou à ajuster sa cravate. De même, comme tous les enfants en Inde, Shamsher adore jouer au cricket avec ses amis et se débrouille comme un chef, faisant entièrement oublier aux uns et aux autres son handicap.


Ses parents, déjà très pauvres, ne pouvant plus payer sa scolarité, Shamsher est venu avec eux rencontrer Tulsi -dont il a entendu parler peu de temps auparavant- à l’occasion du programme organisé par le Centre DEVA pour la journée internationale des handicapés. Tulsi l’écoute, le conseille, l’encourage et le motive : il lui donne l’assurance que toutes ses dépenses scolaires seront prises en charge aussi longtemps qu’il le faudra. Il dépend donc de lui de saisir sa chance et de continuer ses études autant qu’il le peut afin de réaliser ses rêves. Et effectivement, la prise de conscience de la part de Shamsher que son destin était désormais entre ses mains, qu’il ne dépendait plus d’aléas matériels, mais de son sérieux et de sa détermination, a renforcé sa motivation de même que son sentiment de responsabilité.


Ainsi, lorsque nous accompagnons Shamsher à son école (située à une heure de marche du village, soit environ cinq kilomètres), son professeur nous confirme fièrement qu’il est le meilleur et le plus sérieux élève de sa classe. "Quelle leçon ne donne-t-il pas par son exemple à tous ses petits camarades !" De la même façon, sans doute, la réunion quotidienne des enfants dans la cour avant le début des cours, pour la prière et l’hymne national, prend-elle une signification particulière pour Shamsher. Peut-être est-ce là qu’il puise la force de continuer d’avancer pour faire de sa malformation non plus un handicap mais l’instrument de sa réussite. Shamsher a très bien compris que, d’une situation de marginalité, il pouvait au contraire prendre toute sa place dans la société et devenir un porte-parole pour d’autres handicapés (il fut invité d’honneur et chargé de la levée du drapeau lors de la cérémonie organisée par le Centre DEVA le 26 janvier à l’occasion du “Republic Day ”, la fête nationale indienne), ainsi qu’un modèle de courage et de volonté pour son entourage (notamment pour les jeunes de son âge), retrouvant ainsi dignité, respect et identité.


D’ailleurs, la graine de solidarité et d’entraide que Tulsi tente inlassablement de semer a déjà commencé de germer chez Shamsher, qui voudrait tant lui ressembler. En effet, lorsqu’on lui demande ce qu’il veut faire plus tard, ses yeux pétillants et rieurs se tournent vers Tulsi. Puis, avec un brin de timidité, mais avec fermeté, il répond : "Comme vous, Monsieur ! Je veux être juste, et droit. Et consacrer ma vie à aider les autres, à leur donner de la force, et de la joie."

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